Par Iris Fabiola Yaëlle : Source : agenceecofin.com/afriquematin.net
Selon un rapport de l’Ong suisse Public Eye, certaines compagnies pétrolières et des négociants de produits pétroliers exportent vers l’Afrique des combustibles très polluants qui ne pourraient être commercialisés sur le marché européen eu égard à la rigidité des normes en vigueur. Il s’agit d’une pratique connue dans l’industrie que de mélanger les carburants pour obtenir« des spécifications particulières » avant l’exportation, expose le document. Pour maximiser leurs profits, explique Le Monde, les traders effectuent des mélanges avec des produits toxiques et particulièrement nocifs pour l’environnement et pour la santé. Des opérations souvent risquées qui s’effectuent à quai, notamment à Rotterdam, Amsterdam et Anvers, ou en pleine mer à quelques miles des côtes de Gibraltar ou des ports d’Afrique de l’ouest.
Le procédé n’a en réalité rien d’illégal en raison du vide juridique autour de la question dans la majorité des pays africains. Les traders y profitent ainsi de la faible législation en matière de qualité du carburant pour commercialiser du carburant à forte teneur en soufre (plusieurs dizaines de fois plus polluant que la limite européenne). La limite en Europe et aux Etats-Unis est, en effet, de 10 parties par million (ppm) alors que sur des échantillons prélevés dans certains pays africains le taux de soufre détecté est supérieur à 1 500 ppm, avec un pic de 3 780 ppm au Mali.
Parmi les sociétés épinglées par le rapport figurent Trafigura et Vitol qui ont fait du carburant de ‘qualité africaine’ un fond de commerce particulièrement rentable. Pour rappel, il y a 10 ans, en Côte d’Ivoire, Trafigura avait affrété le navire Probo Koala pour déverser plus de 580 tonnes de déchets toxiques issus des industries pétrolières sur les côtes ivoiriennes. Des poursuites avaient alors été engagées par l’Etat ivoirien mais seulement 100 milliards FCFA ont été déboursés par la compagnie pour assurer les frais de dépollution. L’ONG Greenpeace n’avait d’ailleurs pas manqué de souligner les conséquentes pertes en vies humaines et la forte pollution de la faune et de la flore marine. Quant à Vitol, si son chiffre d’affaire a dépassé les 270 milliards $ en 2015, c’est principalement grâce à aux carburants ‘qualité africaine’. Outre les conclusions du rapport, selon une enquête rendue publique par le quotidien britannique The Guardian et l’ONG Public Eye récemment, BP a également livré du diesel en haute teneur en soufre au Ghana. Interrogés, les responsables de ces entreprises nient toute malversation et disent ne se conformer qu’à la législation en vigueur dans les pays africains. Pour les contributeurs à l’élaboration du rapport, il urge que les pays africains durcissent leurs législations en la matière pour stopper le fléau.