Par Nazaire Kadia*
Assurément la journée du 11 avril 2011 est une journée à marquer d’une pierre (blanche ou noire c’est selon) dans l’histoire sombre de notre pays. C’est une journée de deuil pour les démocrates ivoiriens, ceux qui espéraient prendre leur destin en main et soustraire le pays du carcan néocolonial qui étranglait toute action.
C’est une journée de joie pour ceux qui avaient l’onction et le soutien de ce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale » avec à sa tête la France, pour remettre les manettes de direction de notre locomotive dans les mains de l’homme providentiel, du Messie à nous envoyer par l’Eternel qui devait faire de notre pays un eldorado, un paradis où couleront à flot le lait et le miel.
Si pour les uns, le champion arrêté, déporté et jugé à la Haye, est sorti, lavé de toute la souillure qu’on a délibérément voulu jeter sur lui, pour les autres, au-delà d’un triomphalisme feint, la désillusion est à la hauteur de l’immense espoir porté en l’homme providentiel ; celui qui allait transformer le pays et rendre tous les ivoiriens riches et heureux. Certes ils sont abreuvés de chiffres et de statistiques flatteurs qui laissent croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais que le commun des mortels ne ressent pas dans son assiette.
La réalité et le vécu quotidien ne traduisent nullement cette embellie de la vie en Eburnie telle que chantée à longueur de journée. Mais bien plus, les chiffres et statistiques que brandit chaque ministre qui vient parler au nom du gouvernement, contredit ceux qu’annonce un autre collègue et sont de nature à donner le tournis, même au plus instruit des supporters. Le taux de chômage pour un ministre est de 2%, pour un autre il est de 6%, quand la BAD affirme que le taux de chômage dans notre pays oscille entre 70 et 80% de la population active.
Des millions d’emplois auraient été créés par le gouvernement selon un autre ministre mais dans …l’informel ! Or l’informel n’est pas en général pris en compte dans les statistiques officielles ! Comment cela se peut-il ?
Pour nombre de personnes et de sachants, tous les travaux entrepris depuis l’accession de l’homme providentiel à la magistrature suprême de notre pays, sont le fruit d’un endettement exponentiel. Endettement que son prédécesseur Laurent Gbagbo avait ramené à des proportions du supportable.
Le 11 avril nous a également permis de voir à l’œuvre l’homme providentiel et a surtout mis en exergue ses limites. Qu’en aurait-il été s’il n’était pas parvenu au pouvoir ?
Pour ses thuriféraires, l’homme :
– Dispose d’un carnet d’adresses impressionnant, prêt à être mis à la disposition du pays ;
– Est riche comme Crésus et n’avait nullement besoin du maigre budget de la Côte d’Ivoire pour la développer ;
– Promet d’inonder chaque région de Côte d’Ivoire de milliards pour son développement
– A géré 120 pays quand il était au FMI et gérer la petite Côte d’ivoire n’est pas une sinécure.
Mais les « ivoiritaires », xénophobes et autres nationalistes nombrilistes l’empêchent de se mettre à la disposition du pays et le conduire vers l’extase d’un bonheur infini.
Aujourd’hui, tout est possible de vérification et de comparaison entre toutes les gouvernances qui ont eu cours dans notre pays. Et dans le change, « les solutionneurs » et autres « rattrapeurs », n’ont pas de quoi pavoiser.
A quelque chose malheur est bon, le 11 avril a permis de faire tomber un mythe et surtout de démystifier une imposture. La vérité, toute la vérité est là devant nous, belle et nue. Elle nous servira de leçon pour demain, demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours. S’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.
*Analyste politique, afriquematin.net