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Mamadou Coulibaly et Philippe Grégoire Yacé autour du Président Houphouët
Introduction
Les partis politiques jouent un rôle important dans la formation de l’opinion publique et dans la mobilisation des citoyens en période électorale. Ils ont aussi une histoire. Et le PDCI-RDA, notre parti, a une riche histoire que les militants doivent connaître. Créé en 1946, il a 70 ans aujourd’hui. C’est le plus ancien parti politique d’Afrique subsaharienne après l’African National Congress (ANC) d’Afrique du Sud, le parti de Nelson Mandela.
Le PDCI-RDA incarne dans la durée une tradition politique, celle du nationalisme ivoirien et du développement dans la paix et l’unité.
Sa longue et glorieuse histoire, de 1946 à nos jours, comporte quatre moments, quatre grandes phases: la lutte anticoloniale de 1946 à 1960, l’exercice du pouvoir de 1959 à 1999 ou les 40 Glorieuses du PDCI-RDA, le parti d’opposition de 2000 à 2011, enfin le parti de gouvernement dans le cadre du RHDP depuis 2011.
I- LE PARTI DU NATIONALISME IVOIRIEN DE 1946 A 1960
La Côte d’Ivoire devint colonie française le 10 mars 1893 et le resta jusqu’au 7 août 1960. Elle fut soumise à un régime d’administration directe, à un colonialisme pur et dur qui faisait de tous les Ivoiriens des « sujets français », des « indigènes » , privés des libertés les plus élémentaires ( pas de liberté d’association, pas de liberté d’expression, pas de suffrage universel, pas de citoyenneté). Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) pour que les Africains, par leur participation à la libération de la France et de l’Europe du joug nazi, gagnent le droit à la liberté et à la dignité.
La Conférence de Brazzaville (du 30 janvier au 8 février 1944) qui réunit sous la présidence du général de Gaulle, les gouverneurs d’Afrique occidentale française (AOF), d’Afrique équatoriale française (AEF) et de Madagascar, proposa des réformes, notamment l’élection de députés aux assemblées françaises (Assemblée nationale, Sénat) et la création de syndicats professionnels.
La Constitution du 27 octobre 1946 créant la IVe République française reconnut la citoyenneté aux indigènes, l’exercice des libertés individuelles et collectives, l’élection de représentants aux assemblées locales et métropolitaines. Les Ivoiriens purent ainsi créer des syndicats, des partis politiques et élire des députés.
Le Syndicat Agricole Africain (SAA)
Le Syndicat Agricole Africain, encore dénommé Syndicat des planteurs africains, qui forma la matrice dans laquelle le PDCI prit naissance, fut créé le 10 juillet 1944 et reconnu le 8 août 1944, grâce au soutien du gouverneur André Latrille. Les pères fondateurs du Syndicat furent : Félix Houphouët-Boigny, Joseph Anoma, Fulgence Brou, Gabriel Dadié, Djibril Diaby, Georges Kassi, Kouamé N’Guessan, Amadou Lamine Touré.
Le syndicat avait pour but de prendre en main les intérêts des planteurs lésés par l’administration coloniale (par exemple le kilogramme de cacao était payé à 2,60 F aux Africains et à 4,50 F aux Européens, la prime de soutien au café était de 1000 F à l’hectare pour les Européens et de 500 F pour les Africains).
Mais très vite, la lutte économique prit une nette coloration politique. En trois années de présidence (de 1944 à 1947), Félix Houphouët-Boigny implanta le syndicat dans tout le pays et en fit l’instrument de lutte du peuple ivoirien contre le régime colonial. Il fut élu député en 1945 et en 1946.
Ces premières élections avaient fait sentir la nécessité d’une action politique organisée dans le cadre d’un parti politique. Félix Houphouët-Boigny proposa donc à ses partisans de créer un parti politique.
Le PDCI et la création du RDA
L’assemblée constitutive de notre parti eut ainsi lieu le 9 avril 1946 à Abidjan-Treichville, à l’Etoile du Sud, salle de réunion et de loisirs de l’élite abidjanaise, construite par le planteur Georges Kassi. Les 34 personnes qui participèrent à cette assemblée étaient un fidèle reflet de la diversité des milieux ethniques, sociaux et professionnels qui fourniront les adhérents du nouveau parti. Vingt-deux (22) Ivoiriens, trois (03) Sénégalais, deux (02) Français, deux (02) Libanais, deux (02) Dahoméens, deux (02) Soudanais et un (01) Voltaïque Dès l‘origine, le PDCI fut conçu comme un vaste front anticolonialiste, transcendant les races, les classes et les corporations; se donnant pour mission de lutter contre l’exploitation coloniale et d’assurer l’émancipation des Ivoiriens suivant un programme de revendications démocratiques.
Le PDCI fut autorisé par un arrêté du gouverneur Latrille, le 30 avril 1946. Il acquit d’emblée une dimension nationale, par son recrutement (dans tous les milieux), par son implantation (sur tout le territoire), par son programme axé sur l’abolition de l’exploitation coloniale et de son institution fondamentale, le travail forcé.
De 1946 à 1947, le nouveau parti fut dirigé par un bureau provisoire de 18 membres, présidé par Félix Houphouët-Boigny et composé de Philippe Franceschi, Etienne Djaument, Jean Delafosse, Raoul Nicolas, Babacar Diop, Fily Sissoko, Seyni Gueye, Turbé Sow, Germain Coffi Gadeau, Gabriel Dadié, Dorothée Da Sylva, Martin Blagnon, Jean Casanova, Ouezzin Coulibaly, Mory Kéita, Akré Ahobaut, Joseph Anoma.
Le PDCI fut la cheville ouvrière des forces politiques africaines qui créèrent le Rassemblement Démocratique Africain (RDA).
Le congrès constitutif du RDA eut lieu du 18 au 21 octobre 1946 à Bamako. Il réunit près de 800 délégués venus d’Afrique Occidentale Française et d’Afrique Equatoriale Française. Il se fixa pour objectif, la libération de l’Afrique du colonialisme et de l’impérialisme par l’union et le rassemblement de toutes les forces africaines.
Les Ivoiriens arrivèrent à Bamako avec un parti de masse, le PDCI, et des hommes de qualité qui surent faire prévaloir l’intérêt de l’Afrique. On comprend mieux pourquoi la présidence du RDA fut confiée au plus illustre d’entre eux, Félix Houphouët-Boigny, qui en fut d’ailleurs le seul président de 1946 à sa mort en 1993. Le secrétariat général revint également à un Ivoirien, en la personne de Fily Sissoko (remplacé plus tard par Gabriel d’Arboussier).
Le congrès décida que les partis politiques se réclamant de l’idéal du RDA deviennent des sections largement autonomes, organisées en sous-sections, en comités de quartier et de village. Ces sections devaient accoler le sigle RDA à leur dénomination. Le PDCI devint ainsi le PDCI-RDA, tout comme l’Union Démocratique Sénégalaise (UDS-RDA), le Parti Démocratique de Guinée (PDG-RDA), le Parti Progressiste Nigérien (PPN-RDA), l’Union Démocratique Dahoméenne (UDD-RDA), l’Union des Populations du Cameroun (UPC-RDA), le Parti Progressiste Congolais (PPC-RDA), le Parti Progressiste Tchadien (PPT-RDA), le Bloc Démocratique Gabonais (BDG-RDA). Le RDA devint ainsi un vaste mouvement interterritorial qui allait conduire, par son combat protéiforme, l’Afrique noire d’expression française à l’indépendance.
Après Bamako, PDCI et RDA devinrent donc indissociables. Les militants de cette époque se disaient RDA et leurs adversaires disaient combattre le RDA.
Le PDCI-RDA tint son premier congrès du 27 au 31 octobre 1947 (il y eut deux autres congrès avant l’indépendance, en 1949 et 1959). Il adopta ses statuts et élit ses organes directeurs, à savoir, le comité directeur et son bureau, le comité général, autorité suprême dans l’intervalle des congrès. Il avait comme organes annexes: un comité féminin (après 1949), un syndicat affilié (le SAA) et un service d’ordre.
Le bureau du comité directeur avait pour président d’honneur Félix Houphouët-Boigny, et comprenait Auguste Denise, Secrétaire général (il occupa ce poste de 1946 à 1959), Coffi Gadeau, Secrétaire à l’organisation, Fily Sissoko et René Sery Koré, trésoriers, Antoine Konan Kanga, Secrétaire administratif, Albert Paraiso, Secrétaire aux affaires judiciaires, Mathieu Ekra, Secrétaire à l’éducation des masses, Bernard B. Dadié, Secrétaire à la Presse. Le comité directeur comptait 21 membres dont deux femmes (Mme Ouezzin Coulibaly, née Macoucou Traoré et Mme Mockey, née Georgette Yacé).
Le PDCI-RDA connut un succès immédiat. Il comptait 271 000 adhérents dès 1947, 350 000 en 1948, plus d’un million après 1950. C’est donc un parti organisé, un parti populaire qui allait mener la lutte anticoloniale jusqu’à l’indépendance.
« Les femmes ont joué un rôle important dans lutte émancipatrice »
La lutte anticoloniale ou lutte nationaliste
Cette lutte prit la forme d’une action politique organisée à l’échelle de toute la Côte d’Ivoire: luttes électorales, action des élus, luttes ouvrières et paysannes, riposte de masse à la répression coloniale.
En dépit des fraudes orchestrées par l’administration coloniale, le PDCI-RDA remporta toutes les élections. Et les élus, tant dans les assemblées locales que dans les assemblées métropolitaines, défendirent les intérêts du peuple. La loi relative à la suppression du travail forcé eut le plus grand retentissement en Afrique noire.
Proposée par le député Félix Houphouët-Boigny, la loi fut votée sans débat par l’Assemblée nationale française, le 5 avril 1946 et promulguée le 11 avril. Dans les assemblées locales (Conseil général de Côte d’Ivoire et Grand Conseil de l’AOF), les élus bataillèrent pour la suppression de l’impôt de capitation, du régime des concessions aux sociétés coloniales, et des sociétés de prévoyance indigène.
Le même combat pour la promotion économique et sociale des Ivoiriens fut mené par les syndicats. Les luttes ouvrières les plus notables furent la grève des cheminots d’AOF, soutenue par le RDA d’octobre 1947 à mars 1948, et la lutte pour le code du travail d’outre-mer en 1952.
Alors que les syndicats ouvriers maintenaient dans les villes la pression sur le pouvoir colonial, le Syndicat Agricole Africain menait, dans les campagnes, la lutte pour la liberté du travail et la défense du pouvoir d’achat des paysans. La lutte fut particulièrement vive dans la Boucle du cacao (régions de Dimbokro, Bocanda, Bongouanou).
L’administration coloniale prit fait et cause pour le commerce européen. Elle emprisonna les délégués régionaux du SAA et réprima les manifestants avec la troupe du Bataillon autonome de la Côte d’Ivoire composée de mercenaires syriens, les Alaouites. Ce fut le point de départ d’une série d’incidents sanglants et d’émeutes qui aboutirent à la répression des années 1949 et 1950. Cette répression fut conduite par le gouverneur Laurent Péchoux, en fonction de 1948 à 1952.
Les événements les plus graves se déroulèrent à Treichville le 6 février 1949. Ils eurent pour causes immédiates, le deuxième congrès du RDA qui décida de renforcer l’action de masse et de maintenir l’apparentement aux groupes communistes dans les assemblées françaises; et surtout, l’activité fractionnelle d’un ancien élu RDA, Etienne Djaument. Ce dernier organisa une réunion pour expliquer sa démission du PDCI-RDA, présenter le nouveau parti (le Bloc Démocratique Eburnéen) qu’il avait créé, mais surtout jeter le discrédit sur le RDA et ses dirigeants. C’est cette réunion qui dégénéra en affrontements violents entre militants du RDA et partisans de Djaument, soutenus en la circonstance par les militants du Parti progressiste. Il y eut un mort, plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels.
La justice coloniale engagea aussitôt des poursuites contre les militants du PDCI-RDA. Trente furent arrêtés dont huit membres du comité directeur (Bernard Dadié, Mathieu Ekra, Lamad Camara, Jean-Baptiste Mockey, Albert Paraiso, Philippe Vieyra, Jacob Williams). Toutes les sous-sections du PDCI-RDA se solidarisèrent avec les détenus et menèrent campagne pour leur libération: imposante marche des femmes sur la prison de Grand-Bassam le 24 décembre 1949, grève des achats sur proposition d’Anne-Marie Raggi, du 15 décembre 1949 au 15 janvier 1950, grève des gens de maison et des utilisateurs du rail; campagne internationale contre la répression.
La riposte massive des militants du PDCI-RDA traduisait bien la remise en question globale du pouvoir colonial. Elle entraîna d’autres incidents sanglants à Bouaflé (3 morts et assassinat du sénateur Biaka Boda), à Dimbokro (13 morts), à Séguela (3 morts), et dans tout le pays. La répression coloniale fit une cinquantaine de morts, tous ivoiriens et entraîna cinq mille arrestations. Hormis le Cameroun (avec la lutte armée de l’UPC), la Côte d’Ivoire est le pays d’Afrique noire française qui a payé le plus lourd tribut dans la lutte pour la liberté.
Pour éviter un atroce massacre (comme à Madagascar en 1947), le RDA décida de se désapparenter des groupes communistes et d’amener le pouvoir colonial à composer avec lui et à faire des réformes.
Certains adversaires du RDA ont parlé de capitulation, d’abandon de la lutte et d’indépendance octroyée. Il n’en est rien. La lutte continua, notamment sur le front social avec les syndicats et la répression persista, sous des formes brutales ou insidieuses, jusqu’en 1960. C’est parce que le PDCI-RDA avait organisé les masses ivoiriennes, suscité la prise de conscience nationale, combattu le pouvoir colonial que l’indépendance nationale a été possible. On peut, tout au plus, parler d’indépendance négociée, mais nullement d’indépendance octroyée sans insulter la mémoire de tous nos martyrs de la liberté.
Le désapparentement a cependant introduit une nouvelle donne politique. Le PDCI-RDA a élargi ses alliances, intégré de nouveaux membres issus des partis adverses, réajusté sa propagande, collaboré avec l’administration coloniale.
Ce fut le fameux appel à l’union lancée, le 6 octobre 1951, par Félix Houphouët-Boigny qui prépara la réconciliation des différentes composantes de la classe politique ivoirienne, puis le partage des responsabilités quand furent acquises l’autonomie interne et l’indépendance politique.
Les changements introduits par l’unification des partis politiques, la gestion des affaires publiques, l’intégration des jeunes, pour la plupart, frais émoulus des universités françaises, le débat sur l’indépendance constituèrent ainsi les enjeux du troisième congrès du PDCI-RDA en 1959. Il en résulta une profonde rénovation: celle des structures, avec l’adoption de nouveaux statuts et la création de la Jeunesse du Rassemblement Démocratique Africain de Côte d’Ivoire(JRDACI) ; celle des hommes, avec le remplacement du secrétaire général Auguste Denise par Jean-Baptiste Mockey et l’intégration des jeunes dans les instances dirigeantes ; celle du programme politique, avec l’approbation de la constitution de 1959 instaurant un régime parlementaire et le choix définitif du libéralisme économique, autrement dit de l’initiative privée et de l’économie de marché, tempérée cependant par une planification indicative comme l’atteste l’adoption du premier plan quadriennal(1959-1963).
Riche par ses innovations, le troisième congrès n’en suscita pas moins des remous avec le limogeage du nouveau secrétaire général dont l’épilogue malheureux fut la crise politique et la purge des années 1963-1964 connues sous l’appellation de « complots contre la sûreté de l’Etat ». Pour résumer la situation et pour faire bref, nous dirions que Félix Houphouët-Boigny a suscité et contrôlé tous changements pour mieux asseoir son autorité sur l’appareil du parti et du nouvel Etat. Avec l’accession à l’indépendance, les Ivoiriens prenaient en main leur destin et s’engageaient dans la construction d’une nouvelle nation sous l’égide du PDCI-RDA.
II- LE PDCI-RDA, PARTI DE GOUVERNEMENT, DE 1959 A 1999 OU LES 40 GLORIEUSES DU PDCI-RDA
Le PDCI-RDA exerça véritablement le pouvoir d’Etat à partir de 1959. Il avait certes formé en 1957 le premier gouvernement de la loi-cadre. Mais le gouverneur français en était le chef véritable. C’est en 1959 que la Côte d’Ivoire, devenue République l’année précédente, adopta sa première constitution. Félix Houphouët-Boigny fut élu Premier ministre. Et il forma le 30 avril 1959, le premier gouvernement de la République ivoirienne. C’est ce gouvernement qui conduira la Côte d’Ivoire à l’indépendance le 7 août 1960.
Une fois indépendant, notre pays adopte une nouvelle constitution qui instaure un régime présidentiel. Félix Houphouët-Boigny est élu président et sera régulièrement réélu jusqu’à sa mort en 1993. Henri Konan Bédié achèvera son dernier mandat avant d’être élu à son tour en 1995. Le coup d’Etat du 24 décembre 1999 mettra un terme brutal à son mandat à dix mois des échéances électorales, ainsi qu’à la Première République. Les 40 années d’exercice du pouvoir par le PDCI-RDA apparaissent comme 40 glorieuses qui firent de la Côte d’Ivoire, un pays prospère, respecté et envié.
Un bilan : les 40 Glorieuses
Le PDCI-RDA s’est attelé à la construction d’un Etat-nation avec un appareil administratif, des institutions qui ont permis de maintenir la légalité républicaine et d’assurer les évolutions et les changements inévitables, notamment une démocratie pluraliste avec la réinstauration du multipartisme en 1990. Il a su préserver la stabilité politique et la paix en dépit des tentatives de déstabilisation comme les complots de 1963-1964, des tentatives de sécession du Sanwi en 1959, du Guébié en 1970, ainsi que des coups d’Etat avortés de 1973, 1980, 1990 et 1995. Pendant toute cette période, notre pays n’a pas été épinglé par les associations de défense des droits de l’homme pour manquement grave ou continu. Au contraire, les Ivoiriens et les millions d’étrangers vivant chez nous ont bénéficié d’une liberté d’exercice de leurs droits humains.
Le PDCI-RDA, par le choix du libéralisme économique (alors que la mode était aux socialismes tropicaux), a permis la relative prospérité ivoirienne et jeté les bases d’un développement durable. La croissance économique était en moyenne de 7 pour cent. On a même parlé de « Miracle ivoirien ». Et les résultats ont suivi: infrastructures économiques (routes, télécommunications, barrages, etc.), tissu industriel et commercial.
Le progrès économique a permis de réaliser un social des plus hardis, dans le cadre de l’Etat-providence. Une politique d’éducation volontariste et réussie a donné à la Côte d’Ivoire des milliers d’hommes et de femmes formés dans les meilleures conditions. De 8 pour cent en 1958, le taux brut de scolarisation atteignait 74 pour cent en 1999. L’Ecole était gratuite, du primaire à l’université (jusqu’à la crise des années 1980, tout bachelier était automatiquement boursier et jusqu’en 1990, le transport était gratuit). La santé était également gratuite jusqu’en 1980. Et le système d’assurance-maladie généralisé est encore une idée du PDCI-RDA, qui faisait l’objet d’une phase d’expérimentation dans deux départements (Daloa et Yamoussoukro) en 1998.
Le PDCI-RDA a élaboré et mis en œuvre une politique extérieure d’indépendance, de paix et de coopération pour préserver les intérêts du peuple ivoirien et soutenir ses ambitions de leadership en Afrique de l’Ouest. Et le président Houphouët-Boigny et son successeur Henri Konan Bédié furent des médiateurs et conciliateurs reconnus en Afrique et hors du continent.
Le meilleur hommage à ces années glorieuses du PDCI-RDA est venu, comme un hommage du vice à la vertu, de nos opposants d’hier qui ne tarissent pas d’éloges à l’endroit « d’un pays essentiel, solide », d’une « Côte d’Ivoire qui gagne » dont ils souhaitent le retour.
« Le président Henri Konan Bédié, un autre apôtre »
Une vie du parti apaisée
Pendant cette période, la vie du parti était relativement apaisée, parce que la croissance économique permettait de juguler ou d’atténuer les problèmes politiques et sociaux.
Le premier congrès d’après l’indépendance en 1965 avait permis de recoudre le tissu politique du parti lézardé par la crise de 1963-1964. Il adopta de nouveaux statuts et intégra de nouveaux jeunes. Les congrès de 1970 (5è congrès), 1975 (6è congrès), 1980 (7è congrès) furent consacrés aux questions du développement économique et social. Et leurs propositions et résolutions valaient programmes de législature.
Toutefois en 1980, avec la question de la succession de Félix Houphouët-Boigny qui certes n’était pas ouverte, mais qui agitait les esprits, le parti adopta des changements radicaux: nouveaux statuts, supprimant le secrétariat général et créant une présidence et un comité exécutif du parti, proposition d’une vice-présidence de la République, enfin démocratisation avec des élections semi-concurrentielles sans caution du parti unique. Tous ces changements ont préparé le retour au multipartisme en 1990 et sans doute évité les drames sanglants qu’il a entraînés dans d’autres pays africains. La secousse fut cependant rude et il a fallu tout le génie politique de Félix Houphouët-Boigny pour permettre au parti de supporter le choc et de reprendre la main.
Le neuvième congrès tenu à Yamoussoukro du 1er au 5 octobre 1990 a restructuré en profondeur le parti pour l’adapter à la nouvelle donne politique.
Le comité exécutif, le conseil national, le comité directeur, des organes annexes comme le Mouvement des étudiants et élèves (MEECI) et l’Association des femmes ivoiriennes (AFI) furent supprimés et remplacés par des structures nouvelles: secrétariat général, comité central, bureau politique, convention, conseil politique, commissariat aux comptes. Pour calmer le jeu et éviter des déchirures inutiles, le président du parti reporta à un congrès extraordinaire (qui se tint du 12 au 14 avril 1991) l’élection du secrétaire général et des membres des nouveaux organes.
C’est ce parti rénové (et j’emploie à dessein ce terme à cause de l’action du mouvement dit des rénovateurs mené alors par feu Djeni Kobina) qui remporta les élections multipartites de 1990 et assura une transition pacifique à la mort du président Félix Houphouët-Boigny en 1993.
Le troisième congrès extraordinaire tenu le 30 avril 1994 élut Henri Konan Bédié à la présidence du parti.
Il marqua le départ des militants qui allaient créer le Rassemblement des Républicains (RDR). On doit à la vérité de dire que cette scission n’est pas née du refus d’accorder la parole à Djeni Kobinan (ce fut le prétexte), mais était l’aboutissement de la brigue de tous ceux qui refusaient le passage du témoin à Henri Konan Bédié. Et le dixième congrès (28-31 octobre 1996) en dépit de sa réussite et de ses innovations (nouveaux organes comme le comité des sages, le grand conseil, intégration en grand nombre de jeunes et de femmes) n’a pas résolu toutes les contradictions internes liées à cette situation. Malgré le coup d’Etat, le parti continue de régler trop de querelles (de positionnement, de leadership) et de vivre à leur rythme, au détriment de la nécessaire cohésion qui doit unir les adhérents, les militants et les dirigeants. Sans doute notre statut de parti d’opposition (dans l’opposition serait plus juste) y a fortement contribué.
III- LE PDCI-RDA, PARTI D’OPPOSITION, 2000-2011
Le PDCI- RDA est dans l’opposition, à partir de l’année 2000, non par une défaite électorale, mais par la force des armes, à la suite du coup d’Etat antinational du 24 décembre 1999. Malgré cette situation, il a remporté les élections législatives de 2000, les municipales de 2001 et les départementales (conseils généraux) de 2002, prouvant ainsi par trois que sa majorité sociologique et électorale toujours affirmée n’était point usurpée.
Une opposition républicaine et responsable
Notre parti a mené, une décennie durant, une opposition républicaine et responsable, à la différence de la subversion permanente que pratiquait la Gauche ivoirienne quand elle était dans l’opposition. Trois exemples permettent de l’illustrer.
Malgré les élections « calamiteuses » de 2000, le PDCI-RDA a pris acte des résultats et refusé de faire descendre ses militants dans la rue, comme le fit le RDR. Il a participé au gouvernement d’ouverture formé par le FPI, sans avoir obtenu des portefeuilles ministériels correspondant à son poids réel sur l’échiquier politique. Son président, Henri Konan Bédié a joué de toute son autorité aux négociations de Linas-Marcoussis pour que les institutions ivoiriennes ne soient pas dissoutes et le président de la République destitué comme le réclamaient les rebelles.
On a voulu également diaboliser le PDCI en le présentant comme l’allié des rebelles ou pis, comme l’instigateur de la rébellion de 2002. Le temps a fait justice de cette accusation farfelue. Notre parti n’est ni putschiste, ni rebelle, mais, est-il besoin de le rappeler, un parti démocratique et nationaliste. Il a signé, comme le FPI au pouvoir, des accords politiques (de Linas-Marcoussis à Accra et Pretoria) pour mettre fin à la guerre et sortir définitivement notre pays de la crise. Il a signé le 18 mai 2005, une plateforme politique avec les seuls partis se réclamant de l’houphouetisme, partis légalement constitués et reconnus. Cela est conforme à sa philosophie de rassemblement, d’unité et de fraternité, mais aussi au réalisme politique qui commande de tisser des alliances pour remporter les élections.
Un parti résilient
Encore faut-il que le PDCI retrouve son unité et sa cohésion mises à mal depuis 1999, qu’il mette fin aux dérives opportunistes, aux querelles de leadership, aux manœuvres politiciennes et au laisser-faire. Le quatrième congrès extraordinaire de 2001 a pu éviter l’implosion grâce à la mobilisation exceptionnelle des militants, notamment des jeunes et des femmes. Le président Henri Konan Bédié a été maintenu à la tête du parti et la tentative d’OPA du chef de l’ex-junte militaire a été un échec.
L’introduction de l’élection à tous les postes au sein du parti consacre une rupture salutaire avec le passé et ouvre des perspectives heureuses quant à la consolidation de la démocratie interne. Mais il faut savoir taire les querelles et faire bloc derrière le président démocratiquement élu en 2002. Comme nous l’enseignait le président Houphouët-Boigny: « à l’esprit de compétition sournoise qui engendre les suspicions, les jalousies, doivent succéder le dévouement, la camaraderie, la fraternité retrouvés ».
Un chef n’est pas chef seulement quand tout va bien. Il l’est pour le meilleur et pour le pire. Que prennent fin les querelles de leadership qui nous ont tant coûté. Il faut éviter de refaire les erreurs d’un passé récent et nous attacher à la contradiction principale, celle de l’opposition entre le socialo-communisme de nos adversaires et le libéralisme politique et économique que nous défendons. Tel devrait être le seul et vrai combat. Nous le mènerons d’autant mieux si nous retrouvons l’idéal premier du PDCI-RDA, fait de confiance réciproque, de dévouement et d’abnégation
IV- LE PARTI DE GOUVERNEMENT DANS LE CADRE DU RHDP DEPUIS 20011
La victoire du président Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des Houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), à l’élection présidentielle d’octobre-novembre 2010 permet au PDCI-RDA de redevenir parti de gouvernement.
Certes, il a perdu pour la première fois de son histoire une élection présidentielle
Certes encore, il a perdu les élections législatives de 2011 et les régionales de 2013, en raison notamment de l’indiscipline de certains de ses militants qui multiplièrent les candidatures indépendantes.
Mais le fait essentiel est la participation à un gouvernement des Houphouetistes, sur la base d’un programme commun de gouvernement et non plus aux gouvernements hétéroclites de sortie de crise.
L’appel de Daoukro et la nouvelle donne politique
Le douzième congrès d’octobre 2013 a permis de réélire démocratiquement Henri Konan Bédié au poste de président du parti et de conduire le renouveau, le rajeunissement et la renaissance comme l’indiquait son thème.
L’appel de Daoukro en septembre 2014 qui a pris à contrepied adversaires et partisans, faisait la part du feu pour préserver les intérêts essentiels du pays. Il sera entériné par les militants du PDCI à l’occasion d’un congrès extraordinaire en 2015. Il a introduit une nouvelle donne politique qui a permis la candidature unique du président sortant Alassane Ouattara à la présidentielle d’octobre 2015 et sa réélection au premier tour, des réglages au sein du RHDP, le projet de parti unifié, et d’alternance au profit du PDCI en 2020.
Dans le dernier gouvernement de 38 membres constitué le 12 janvier 2016, le PDCI-RDA compte 13 représentants dont le Premier ministre. Il est partie prenante du programme de gouvernement pour l’émergence, et donc comptable du bilan du dernier quinquennat du président Alassane Ouattara.
Le débat sur le parti unifié
La question, qui fait actuellement débat, est la transformation de l’alliance politique en un parti unifié. Sous quel leadership politique, sous quelle dénomination, pour quelle alternance ?
Toutes ces questions sont en débat. Elles devront être tranchées, en prenant en compte les aspirations des militants et l’intérêt supérieur de la Côte d’Ivoire. Car il s’agit ni plus ni moins que de la construction d’un chemin d’avenir, pour une nation réconciliée avec elle-même et maîtresse de son destin.
Conclusion
Comme nous le chantons dans notre hymne, « le PDCI a été fondé pour servir le vaillant peuple ivoirien ». Et il l’a bien servi en le soustrayant du joug colonial et en le conduisant à l’indépendance politique. Il a également fait de la Côte d’Ivoire, quarante années durant, un pays prospère, pacifique et fraternel, un pays essentiel et incontournable en Afrique, une locomotive de la région ouest-africaine.
Mais la mission du PDCI, un instant interrompue, n’est pas achevée. Il doit défaire fil à fil les derniers liens de notre dépendance, sortir la Côte d’Ivoire du sous-développement, en faire un pays industrialisé, un pays émergent, un « Eléphant d’Afrique », à l’instar des « Dragons » d’Asie.
Tel était le projet grandiose que le PDCI et son président étaient en train de mettre en œuvre de façon méthodique et que surpris et effrayés, nos adversaires du dedans et nos ennemis du dehors ont brisé par le coup d’Etat de 1999. Mais l’Histoire a déjà jugé. Et le PDCI-RDA, rassemblé et revigoré, retrouvera le pouvoir par les urnes et offrira aux Ivoiriens de nouvelles années de prospérité dans la paix et la sécurité.
Par JEAN-NOEL LOUCOU
Professeur d’Histoire contemporaine
Membre du Bureau Politique